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Accueil du site // // Sally Bonn // J193 - Dans le labyrinthe

12 juillet 2011 – J193

J’en ai fini avec les miroirs ; j’entre dans le labyrinthe, ces deux formes de l’expérience se conjuguant pour interroger, dans l’espace et dans le temps, les modalités d’existence au monde, de l’art et de l’artiste, de chaque individu. Ils perturbent les continuités, fragmentent l’image idéalisée du réel, bousculent l’idée de totalité, celle d’une voie tracée, celle du temps à venir. Ils en appellent à une expérience subjective qui est elle-même de fragmentation, de discontinuité, d’imprévu et d’aléatoire, d’inconnu et d’intranquillité (Pessoa), de bifurcations et d’impasses, de retour en arrière et de déformation.

Oui, un peu sombre aujourd’hui. C’est d’entrer dans ce labyrinthe dans lequel je suis au fond depuis un moment.

Le labyrinthe de l’écriture.

Etrange de constater l’intérêt majeur des écrivains du nouveau roman mais aussi de nombreux écrivains des années soixante : Robbe-Grillet, Butor, Caillois, Borgès, Perec, Calvino, entre autres, mais aussi Roussel et Foucault (bien qu’il n’en fasse pas, contrairement au miroir, un modèle d’hétérotopie), Bataille, Blanchot s’y intéressent aussi. Morris en construit, Pistoletto également, Buren nomme une de ses expositions Dans le labyrinthe, celle de Morris à Lyon en 1998, 1999 et 2000, trois installations qui sont sous-titrées The Mirror to the Labyrinth et Pistoletto reprend une forme labyrinthique pour la scénographie, le parcours et le catalogue de l’exposition à Lyon en 2001 intitulée Continenti di tempo.

Le labyrinthe est un espace double en ce sens qu’il met en scène un égarement, une perte, et dans le même mouvement une réflexion, un travail de la pensée, une volonté de contrôle. Parcours initiatique, quête de sens ou d’identité, le mythe de Thésée et du Minotaure est riche, mais ce sont ces développements dans l’écriture et dans l’art des années soixante qui sont intéressants, dans les rapports au corps, à l’espace et au temps. Le labyrinthe, en tant qu’espace double – il referme, renferme géométriquement une forme de chaos, il cadre l’infini – et que temps suspendu, a à voir avec les discontinuités qui forment et fondent les travaux des artistes de mon corpus. Discontinuités à l’image de ce monde chaotique que renferme le labyrinthe et dont on sort par un fil, une trame. Les textes des artistes ne sont-ils pas, dès lors, le fil, la trame, qui permet de sortir du labyrinthe spatial et temporel des œuvres ?

Trouvé cela, dans Le miroir qui revient de Robbe-Grillet et avant d’entamer la lecture de Dans le labyrinthe :

 « Tout cela c’est du réel, c’est-à-dire du fragmentaire, du fuyant, de l’inutile, si accidentel même et si particulier que tout événement y apparaît à chaque instant comme gratuit, et toute existence en fin de compte comme privée de la moindre signification unificatrice. L’avènement du roman moderne est précisément lié à cette découverte : le réel est discontinu, formé d’éléments juxtaposés sans raison dont chacun est unique, d’autant plus difficiles à saisir qu’ils surgissent de façon imprévue, hors de propos, aléatoire. »