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05.01.11

J+4, cela devrait me faire 5 pages selon le protocole établi – au moins une page par jour, c’était une des idées de départ, en pensant aux 20 lignes par jour d’Harry Mathews, lui-même suivant l’injonction de Stendhal : « Vingt lignes par jour, génie ou pas. » - je n’en suis qu’à 4. Et je commence à m’embourber dans un marais de mots, de phrases, de textes, mais sans déplaisir, j’aperçois l’océan devant moi (je reprends à dessein les métaphores marines employées par Robert Morris, l’un des principaux artistes de mon corpus, dans un texte important intitulé « Des éclaboussures à marée basse »), je rentre doucement, et je sais que je vais y passer du temps, sans doute pas loin de m’y noyer aussi parfois. Cette thèse est comme une traversée à la nage, je ne vois pas encore l’autre rive, je descends dans l’eau, elle est froide (le temps aussi en ce moment) mais encore relativement claire.

Je lisais hier soir pour la première fois Roger Laporte – je ne sais plus exactement où ni dans quelle circonstance cet écrivain est apparu, mais il me semble qu’il avait quelque chose à voir avec certains artistes français des années 60-70, je ne sais plus, mais je l’ai trouvé chez ma libraire et l’ai pris, cette Lettre à personne, sans doute parce que le texte de la quatrième de couverture, signé Philippe Lacoue-Labarthe, commençait par ces mots : « Roger Laporte a cessé d’écrire. » au moment où j’entame ce travail d’écriture. Je suis dans l’introduction en train d’essayer de démêler les fils de cette notion d’écriture, de texte, d’écrit, de discours dans le cadre de ces textes d’artistes qui constituent mon corpus. Et hier soir, en lisant Laporte, je tombe sur ces mots : « Banalement, comme tout journal intime, celui-ci se propose de clarifier une situation non seulement douloureuse, mais plus trouble, en tout cas plus complexe que je ne le croyais de prime abord ; bref, je voudrais savoir ce qu’il en est, voir la vérité en face si c’est possible (et en tirer les conséquences pratiques). Est-ce que de ces pages j’attends plus qu’un éclaircissement, est-ce qu’écrire ces pages permettra plus que de tromper provisoirement ma faim ? » (je m’autorise avec un certain plaisir de ne pas donner les références d’un texte cité !) Voir la vérité en face. Est-ce cela le travail que j’entame ? Quelle vérité ? Cette notion d’éclaircissement me semble juste et renvoie à tout le corpus philosophique des Lumières, cet « Eclaircissement par des exemples » dans la Critique de la faculté de juger de Kant. Je ne sais pas si c’est l’écriture de la thèse qui va éclaircir son propre sujet, ou si c’est l’écriture du journal de thèse qui va éclaircir le sujet de la thèse.