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Accueil du site // // Sally Bonn // J266 - Suspens (à rebours)

23 septembre 2011 - J266

 

Sur L’obligation d’écrire de Foucault :

 

"Nerval a eu un rapport à la littérature qui, pour nous, est étrange et familier. Troublant mais proche de ce que nous apprennent les plus grands de nos contemporains (Bataille, Blanchot). Son oeuvre disait que la seule manière d’être au coeur de la littérature, c’est de se maintenir indéfiniment à sa limite et comme au bord extrême de son escarpement. Nerval, pour nous, ce n’est pas une oeuvre, ce n’est pas même un (effort) abandonné pour faire passer dans une oeuvre qu’elle dérobe une expérience qui lui serait obscure, étrangère ou rétive. C’est sous nos yeux, aujourd’hui, un certain rapport continu et déchiqueté au langage : d’entrée de jeu, il a été happée avant de lui-même par l’obligation vide d’écrire. Obligation qui ne prenait tour à tour la forme de romans, d’articles, de poèmes, de théâtre, que pour être aussitôt (ruinée) et recommencée. Les textes de Nerval ne nous ont pas laissé les fragments d’une oeuvre mais le constat répété qu’il faut écrire ; qu’on ne naît et qu’on ne meurt que d’eux. De là, cette possibilité et cette impossibilité jumelées d’écrire et d’être, de là cette appartenance de l’écriture et de la folie, que Nerval a fait surgir aux limites de la culture occidentale - à cette limite qui est au creux du coeur. "Comme une page imprimée, comme la dernière nuit de Nerval, nos jours sont maintenant noirs et blancs.""