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Accueil du site // // Sally Bonn // J150 - La réalité de l’espace

La réalité de l’espace.

Me voici entrée dans la deuxième partie, celle qui me fait passer des textes à l’espace à partir de ce fameux texte de Foucault dans lequel il délie (ou délivre) le langage et l’écriture de leur appartenance temporelle pour les déclarer ordonnés à l’espace. 

"Ecrire, pendant des siècles, s’est ordonné au temps."

Plus loin, ceci : "le langage est (ou, peut-être, est devenu) chose d’espace (...) c’est dans l’espace que le langage d’entrée de jeu se déploie, glisse sur lui-même, détermine ses choix, dessine ses figures et ses translations."

Et encore ceci, où se retrouve certains "motifs" à l’oeuvre dans le travail des artistes et des écrivains des années soixante - le texte porte d’ailleurs sur des écrivains, il s’agissait d’un texte publié dans la revue Critique, notamment Roger Laporte (celui que je découvrais au début de cette résidence et dont la lecture accompagne de loin en loin ce travail), Le Clézio, Claude Ollier, Michel Butor - :

"L’écart, la distance, l’intermédiaire, la dispersion, la fracture, la différence ne sont pas les thèmes de la littérature d’aujourd’hui ; mais ce en quoi le langage maintenant nous est donné et vient jusqu’à nous : ce qui fait qu’il parle."

Donc, passer du langage à l’espace ; tel est le projet de cette partie, montrer comment l’écriture du texte, d’un texte, est une première manière de "quitter l’atelier", avant même d’investir l’espace naturel, la terre, le paysage, l’étendue, avant même de se situer ou de situer les oeuvres dans le champ spatial. L’éclatement des catégories artistiques, l’ouverture des frontières de l’art ne passent pas seulement par ces formes d’expérimentations artistiques dépassant la séparation entre peinture et sculpture et élargissent le champ de la sculpture ou celui de l’art. L’écriture, l’usage de l’écriture constitue une première forme, peut-être pas d’hybridation, le mot n’est pas juste, mais d’enchevêtrement produisant une forme d’hétérogénéité. Cette même forme d’hétérogénéité que l’on trouve dans l’oeuvre de Morris, ou bien celle de Pistoletto qui renvoie à cette notion d’hétéroclite (celle propre à l’écriture de Borgès, pour Foucault) et qui préfigure la notion d’hétérotopie telle qu’elle sera explicitée par la conférence de 1967 que Foucault donne devant des architectes. L’hétéroclite est à entendre, dit-il, au plus près de son étymologie, c’est-à-dire là où "les choses sont "couchées", "posées", "disposées" dans des sites à ce point différent qu’il est impossible de trouver pour eux un espace d’accueil, de définir au-dessus des uns et des autres un lieu commun."

Les murs du musée ou de la galerie, l’espace urbain, l’espace public, la rue, un parking, un plan d’eau, le métro, le journal, le désert, la scène d’un théâtre... que sont ces lieux et qu’ont-ils de commun pour accueillir les oeuvres des artistes ? À quelle réalité de l’espace font-ils appel ?