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Accueil du site // // Sally Bonn // J201 - L’expérience d’un rythme

20 juillet 2011 - J201

 

Walter Benjamin fait un séjour de deux mois à Moscou fin 1926. Lorsqu’il écrit à Hugo van Hofmannsthal, à qui il n’a pas écrit depuis près d’un an, il est déjà rentré depuis plusieurs mois et tente depuis un moment de décrire son séjour. Il s’est fixé pour tâche, dit-il à Hofmannsthal, de mettre en évidence les phénomènes de l’existence concrète, mais c’est l’ignorance de la langue qui lui interdit d’aller au-delà d’une couche relativement mince.

"Mais, plus encore que dans une optique, je me suis établi dans l’expérience d’un rythme, celle du temps, tel que les hommes le vivent là-bas, où la sensibilité russe originelle mêlée à la nouvelle donnée par la révolution fait un tout que j’ai trouvé, bien plus encore que je ne m’y étais attendu, hors de portée des mesures européennes."

 

Cette "expérience d’un rythme", cet établissement dans l’expérience d’un rythme, dit, mieux encore Benjamin, résonne de manière particulière en ce moment que plus aucun autre rythme que celui du travail de l’écriture ne vient me perturber. Et cette absence de perturbation est presque douloureuse. Silence de la maison, silence de la cour (dans laquelle ne résonnent plus, je l’ai dit, les cris des enfants à la récréation), presque-silence de la ville dont les bruits semblent assourdis (mais pas par la chaleur inexistante), silence de l’été qui éloignent ceux qui nous entourent. Et si je sens à ce point cette expérience d’un rythme, c’est aussi que, même si je suis sortie du labyrinthe, je ne suis plus dans une optique. L’expérience du rythme m’éloigne de l’optique, je ne vois plus le plan.